J’étais encore nouveau en ville, et pour tout avouer, je me sentais encore parfois petit dans ce pays où les hommes sont souvent grands et robustes. Robustes je l’étais, grand, pas du haut de mes 1 mètre 75 alors que les autres ont bien souvent une dizaine de centimètres supplémentaires… Mais mon impression de petitesse ne venait pas uniquement de ma taille physique, mais aussi de mon manque d’intégration actuel. Passons, cela n’est pas réellement le sujet du jour.

Occupé à me poser des questions existentielles, je terminais tranquillement la demi-heure de pause qui m’était accordée pendant le travail. Le patron, un vieil homme bien sympathique, avait décidé de me garder à temps plein après seulement une semaine et demie de travail.
C’était relativement court, mais suffisant selon lui pour pouvoir jauger mes capacités et mon amour pour les animaux, ce dernier l’ayant profondément marqué. Remettant le badge qui informait les clients de mon nom, je quittai la pièce dans laquelle j’avais pris ma pause, revenant dans le magasin en lui-même et l’ouvrant à nouveau.

J’ouvris donc à nouveau la boutique, car j’étais l’un des seuls à travailler aujourd’hui, sans doute à cause de la non-affluence des clients en cette période ou en ce jour, et j’allai m’installer près du comptoir d’où je pouvais observer des aquariums qui se trouvaient non loin de moi et dans lesquels de petits poissons colorés nageaient gaiement.

Je poussai un long soupir, remarquant avec le temps que personne n’arrivait ; personne n’avait donc envie d’un ami ? D’une âme vivante à qui il pourrait raconter tous ses secrets sans avoir la moindre crainte qu’ils soient répétés un jour ? Moi, j’aurais donné n’importe quoi en ce moment pour posséder un animal chez moi. Malheureusement, le propriétaire n’était pas des plus agréables et j’étais bien obligé de me résoudre à l’idée de vivre seul…

Au bout d’un moment, la porte de la boutique s’ouvrit, et je vis une personne entrer, une jeune femme plus exactement, avec une longue chevelure châtaigne. Je me demandais si elle comptait acheter un animal où faire simplement comme la plupart des gens, entrer, profiter de la présence des animaux et repartir sans un mot, comme si je n’existais pas. La regardant disparaître dans le coin du meilleur ami de l’homme, je souris faiblement, il n’était pas rare que les gens agissent ainsi, souvent ils étaient accompagnés d’un enfant qui les suppliaient de ramener un compagnon de jeu à la maison.

Un enfant… Dire que j’aurais du en avoir un à l’heure actuelle… Pourquoi la vie m’avait-elle joué ce tour ? Non, ça n’était pas le moment de penser aux choses horribles que la vie nous inflige parfois : je devais penser à mon travail, travail que j’aimais plus que tout au monde désormais, car j’avais perdu tout le reste.

Malgré tous mes efforts, et ils étaient bien nombreux, je n’arrivais pas à faire mon deuil, au lieu de cela, je ne faisais que m’enfoncer dans mes souvenirs du passé et les revivre. Moi qui pensait que changer de pays allait me permettre d’y abandonner la moindre trace de tristesse, malheureusement non… Cependant, je pensais que peut-être j’y arriverais avec le temps : après tout, je n’étais là que depuis un mois, même pas.

Au bout d’un moment, je relevai la tête, interpellé par une voix féminine, et mes yeux tombèrent sur la jeune femme que j’avais précédemment vue entrer dans la boutique. Je souris, me défaisant au mieux de ces pensées sombres et négatives qui m’habitaient, et écoutait ce qu’elle continuait à dire après un bref « Bonjour » qui était la moindre des politesses.

Alors que je m’attendais à avoir la réponse à la question que je me posais, qui n’était autre que « que cherche-t-elle ? », question normale pour un commerçant, je restai comme sur ma faim lorsque j’entendis que sa phrase restait en suspens. Je me demandais pourquoi, mais ne me permis pas d’interrompre sa phrase qui n’était pas finie, ne sachant pas si elle ne réfléchissait juste pas à ses mots.

Seulement, je commençai à me dire que non, elle n’avait pas juste pris le temps de réfléchir à ses mots, car elle était désormais occupée à regarder autour d’elle, jusqu’à ce que son regard se pose sur moi à nouveau. À cet instant, je lui souris un peu, pas de trop car je ne voulais pas qu’elle croie que je me moquais, et je lui adressai une simple question.

« Vous aimeriez voir quoi ? Du côté des chiens ? »

Je l’avais vue aller vers le rayon réservé à la gente canine, c’est pour cette raison que je m’étais avancé dans cette proposition. Étant ensuite perdu dans mes pensées, je n’avais pas vu si elle était allée ailleurs. J’espérais quand même qu’elle me comprenne, car ne l’oublions pas je suis japonais, et mon accent pouvait parfois être légèrement difficile à comprendre pour une personne peu habituée, cela malgré les cours d’anglais renforcés que j’avais eu durant mes premières années d’études, avant que je ne les abandonne.

Pendant que je lui parlais, je pris dans un tiroir le trousseau de clé qui permettait d’ouvrir les cages dans lesquelles les chiots étaient enfermés. Ces petites créatures fragiles et bien souvent douces qui se retrouvaient enfermées dans des cages si petites, c’était un peu cruel ; c’est pour cette raison que j’étais toujours ravi d’en voir un partir, même si je priais pour que sa famille soit aimante.